Le thermostat naturel de la planète et son délicat équilibre

Professeur Friedhelm von Blanckenburg
Centre de recherche allemand pour les géosciences GFZ, Potsdam
Depuis sa formation il y a 4,5 milliards d’années, notre planète dispose d’eau liquide à sa surface. Si toute l’eau était gelée comme sur la planète Mars, ou si toute l’eau s’était évaporée dans l’espace comme sur Vénus, il n’y aurait pas de vie sur Terre. Nous devons l’habitabilité de la Terre à une fascinante régulation géologique du climat. Chaque année, les processus d' »altération », soit la réaction entre le CO2 dissous dans la pluie et les roches, retirent autant de CO2 que la quantité ajoutée à l’atmosphère par les émissions volcaniques. En conséquence, grâce à l’effet de serre du CO2, la température de la surface de la Terre est maintenue « juste à point », à la manière d’un thermostat.
Les reconstitutions historiques montrent que ce délicat équilibre thermostatique s’est déplacé au cours des 15 derniers millions d’années. Les isotopes de l’oxygène (18O/16O) montrent que la Terre s’est refroidie et a atteint un état dans lequel l’hémisphère nord est couvert de glace. Les isotopes du bore (11B/10B) révèlent la raison de ce refroidissement : le CO2 atmosphérique a diminué, entraînant une réduction de l’effet de serre. Pendant des années, les géologues ont débattu de la cause de cette diminution du CO2. L’une des hypothèses est que l’élévation de grandes chaines de montagne comme l’Himalaya ou les Andes aurait entraîné une augmentation de l’altération chimique, car davantage de roches sont arrivées à la surface, retirant ainsi plus de CO2 de l’atmosphère. Cependant, cette hypothèse est remise en question par les mesures du rapport entre l’isotope cosmogénique 10Be et l’isotope stable 9Be libéré des roches par l’altération (10Be/9Be), ce qui suggère plutôt une altération constante. Dans ce cas, la surface terrestre serait devenue plus « réactive » à l’altération chimique, de sorte que la même quantité de CO2 est retirée, même si la concentration atmosphérique de CO2 diminue. Cette hypothèse alternative est confirmée par les isotopes stables du lithium (7Li/6Li).
Au cours de ses milliards d’années d’évolution géologique, la terre a connu de nombreux changements de climat, mais toujours en ajustant progressivement son thermostat à un état légèrement différent. Aujourd’hui, un changement dramatique est imminent, car l’homme interfère massivement avec cet équilibre délicat par le biais des émissions industrielles de CO2.
Lieu : Uni Dufour